La Compagnie Internationale des Wagons-Lits

Évoquant naturellement l’univers du voyage et du luxe à l’un de ses plus hauts niveaux, l’association des couleurs bleu nuit rehaussé de ses traits d’or fait immédiatement voyager. Symbolisant fièrement l’âge d’or du chemin de fer, ornant les deux faces extérieures de voitures de la Compagnie Internationale des Wagons-Lits, le monogramme en bronze doré représente les racines et l’histoire de cet univers fascinant.

Lors d’un voyage forcé en Amérique, à seulement 23 ans, George Nagelmackers découvre le confort des voitures Pullman. Dès son retour en Europe, il décide d’importer ce concept et le transforme. En 1872, Nagelmackers, propriétaire de cinq voitures construites en Autriche, crée la Compagnie Internationale des Wagons-Lits. Les premiers wagons-lits alors construits en teck seront accrochés aux grands trains européens sur des relations Paris – Vienne, Ostende – Berlin et Ostende – Cologne en 1872, puis Paris – Berlin en 1875. Mais le succès rencontré n’occulte pas longtemps les difficultés financières et un soutien ou une alliance devient primordiale à la survie du projet. Le Colonel américain William D’Alton Mann apporte son soutien et la Mann’s Railway Sleeping Carriage Company Limited est créée en 1873.

En décembre 1876, la Compagnie Internationale des Wagons-Lits, qui compte déjà 53 voitures en circulation, a près de 4 millions de Francs Belges de fonds propres et ouvre son capital à des actionnaires, dont le Roi Léopold II. La première voiture-restaurant circule en octobre 1882 sur le train Paris – Vienne. L’américain D’Alton Mann quitte l’Europe en 1883 et vend ses actions au Roi des Belges, laissant Nagelmackers seul à la tête de la compagnie. L’expansion continue des relations et l’ambition du belge l’amènent à créer, cette même année, le train le plus prestigieux de la compagnie en prolongeant la relation Paris – Vienne qui deviendra le Grand-Express d’Orient en reliant Paris à Constantinople (Istanbul aujourd’hui). C’est aussi en 1883 que la Compagnie Internationale des Wagons-Lits (CIWL) adoptera le visuel aux deux lions en bronze qui lui est caractéristique.

Le monogramme, tel qu’il est alors appelé, orne déjà les voitures en bois et représente en son centre, les initiales entrelacées « WL » pour les wagons-lits, encadrées de deux lions se faisant face, directement inspirés des armoiries de la monarchie belge, pays dont est originaire Nagelmackers, entouré d’un « ruban » noué (ou ceinturé) par le bas, reprenant le nom complet de la compagnie, reposant sur des feuilles.

Le siège de la Compagnie Internationale des Wagons-Lits et des Grands Express Européens est implanté à Bruxelles, mais l’expansion des missions et la diversité des liaisons, notamment au départ de Paris amènent le belge à créer un siège à Paris. C’est au 40 rue de l’Arcade (à l’angle de la rue des Mathurins) qu’un hôtel particulier aux inspirations architecturales flamandes verra le jour en 1903. Le bâtiment existe toujours aujourd’hui et reste orné des deux lions et des lettres WL, ainsi que d’une grande horloge surmontée d’une corniche.

Nagelmackers meurt en 1907 en France après avoir consacré sa vie à son œuvre qui continue de prendre de l’ampleur et gagne continuellement de nouvelles liaisons.

En 1922 apparaissent les premiers Wagons-Lits en acier devenant les WL de type S (pour Steel). Elles deviennent les premières à revêtir la couleur bleu nuit et les fines bandes dorées et seront construites à 189 exemplaires. Les voitures les plus luxueuses (de type Lx pour Luxe) seront construites à partir de 1929 à 90 exemplaires dont 60 en France à Aytré (près de La Rochelle). Associant verrerie d’art, marqueterie et un confort incomparable, elles seront déclinées en plusieurs versions au fil des années et des crises économiques pouvant alors accueillir près de 20 voyageurs (le nombre de lits par voiture ayant été augmenté). On les connaîtra sous les dénominations Lx 14, Lx 16, puis Lx 20. Pour celles ayant survécu à la seconde guerre mondiale et aux abandons sur des voies de garage, elles finiront leurs services dans les années 1980 sur les réseaux Espagnols et Portugais. Certaines d’entre elles ont été sauvées de la destruction par un riche investisseur britannique du nom de James Sherwood, amenant à la naissance du Venice-Simplon-Orient-Express dès 1982.

En 1971, la CIWL revend une grande partie de son parc de voitures aux compagnies nationales afin de recentrer ses activités. Elle disparaît en 1991 puisque rachetée par le Groupe Accor. Les quelques voitures restant aux mains du Groupe sont vendues dans les années 2000, rachetées par la SNCF en vue de les exploiter. L’avènement du transport à grande vitesse en France, la réduction des temps de trajet, le vieillissement du parc des wagons-lits (devenues voitures-lits), ainsi que les nouveaux modes de consommation des voyageurs amènent petit à petit à la disparition des trains de nuit. La préférence pour le transport aérien sur les longues distances auront raison du Direct-Orient, devenu l’Orient-Express qui effectuera sa dernière circulation en 1977. Un service de trains de nuits est maintenu en France jusqu’au milieu des années 2010 où les volontés gouvernementales et le désengagement de la SNCF amènent à ne faire survivre plus que trois liaisons quotidiennes.