Impact imminent

Suite à l’accident de TGV survenu Jeudi 05 Mars 2020, et aux nombreuses informations (parfois erronées) ayant circulé, il semble bon de reconstituer, de manière détaillée, un descriptif des faits.

Parti de Strasbourg à l’heure, à 07h19, le TGV 2350 (Colmar >  Paris) heurte un obstacle sur la voie vers 07h35 à quinze kilomètres environ de l’entrée de la Ligne à Grande Vitesse. Le conducteur ayant vu l’obstacle déclenche le freinage d’urgence et le heurte à une vitesse de 280 km/h environ. Au moment du choc, la motrice de tête déraille, entraînant avec elle les voitures de première classe ainsi que la voiture bar (voitures 1 à 4). La technologie de conception du TGV aura joué son rôle : ce dernier ne s’est pas couché. L’alerte, donnée rapidement, a permis l’arrivée rapide de nombreux personnels de secours sur les lieux.

Les causes 

Au niveau du PK 391, une lentille de 60 m de large se détache du talus et glisse sur environ 20 mètres jusqu’à finir sur la voie 2 en contrebas. Les pluies intenses des dernières semaines ont très probablement fragilisé les sols.

Les conséquences

La circulation est de suite interrompue sur les voies 1 et 2. Les trains devant partir depuis Strasbourg ou rallier cette dernière sont détournés et circulent via la ligne classique entre Baudrecourt et Vendenheim entraînant une augmentation du temps de trajet de l’ordre de 30 à 45 minutes. Des cars sont réquisitionnés en région afin d’acheminer les 350 voyageurs du train accidenté vers une salle communale à proximité, puis vers la capitale Alsacienne. Le train 5470 (Strasbourg > Le-Mans), arrêté derrière le train accidenté a été réexpédié vers Strasbourg puis a emprunté la ligne classique pour contourner la zone de l’accident. Il a accusé un retard de 3h20 à son arrivée.

L’interruption de circulation durera au minimum quinze jours, délai dans lequel :

  • l’enquête sera effectuée sur place,
  • la rame sera remise sur les rails avec l’intervention d’une grue spéciale (Kirow), déjà acheminée jusque Réding dans la journée de jeudi, et visitée par des agents des services compétents,
  • la voie sera revue et remise aux normes exigées par la grande vitesse,
  • l’éboulement sera déblayé,
  • le talus sera stabilisé dans son intégralité.

Bilan humain

Un recensement des blessés est rapidement effectué, et la présence de personnel médical à bord sera déterminante. Le conducteur est grièvement blessé. Souffrant d’un pneumothorax, il sera héliporté vers l’hôpital de Strasbourg-Hautepierre. Ses jours ne sont pas en danger. Un contrôleur, situé en voiture 1 est blessé, tout comme un voyageur ayant subi un traumatisme crânien d’une gravité modérée. Une vingtaine de personnes ont subi des blessures superficielles et ont été pris en charge. Une cellule psychologique a été ouverte. Les voyageurs le souhaitant ont pu regagner Paris à bord d’un train spécialement affrété, arrivé à 17h04 et où des agents et dirigeants de l’entreprise les ont reçu.

Bilan matériel

La voie 2 est recouverte de terre aux environs du PK 391. Les deux voies ont subi des détériorations et déformations importantes suite au déraillement de la motrice et des premières voitures sur plusieurs centaines de mètres en direction de Paris ; le train s’étant immobilisé au PK 389.450 environ. La rame de type Euroduplex numéro 4707 s’est déportée sur la voie contiguë, roulant sur les traverses en béton, dans le ballast et chevauchant les rails de la voie 2. Les dégâts sont impressionnants notamment au niveau de l’impact (nez de la motrice, côté gauche). Les voitures sont abîmées également avec des vitres fissurées et étoilées suite aux multiples projections de ballast.

Fake News ?

De nombreux experts, rapidement intervenus sur les chaînes d’information en continu ont pointé le manque d’entretien des voies et ont avancé l’idée d’un glissement de terrain survenu sous la voie. Le parallèle avec le déraillement de la rame d’essais en 2015 a également été fait.

Quelques précisions

Il ne s’agissait pas du premier train ! Comme tous les matins, avant la circulation commerciale des trains sur une Ligne à Grande Vitesse, un premier train (appelé train balai) circule à vide sur cette ligne à une vitesse maximale de 230 km/h. Ce fut le cas ce jeudi à 05h00. Le conducteur du train, passé sans encombre, n’a rien signalé d’anormal lors de sa mission de reconnaissance des voies.

De plus, les trains 5420 (Strasbourg > Lille), 5450 (Strasbourg > Bordeaux), 5521 (Metz > Montpellier) et 2404 (Strasbourg > Paris) ont également circulé à cet endroit avant l’accident, respectivement à 06h24, 06h28, 06h47 et 06h58. Le glissement de terrain ayant eu lieu après le passage du train 2404 et avant l’arrivée du 2350, soit entre 06h58 et 07h35.

Une tournée de maintenance a été effectuée en date du 29 février (concernant les voies, caténaires, signalisation…) grâce au passage de la rame de mesures IRIS-320, vérifiant l’intégrité des installations. Des vérifications techniques concernant l’ouvrage en terre incriminé ont été réalisées en fin d’année dernière visuellement et par sondages.

Il est également important de souligner que le train n’était pas en survitesse (contrairement à de nombreux parallèles relayés par les médias), circulant à 270 km/h au moment de l’impact sur une ligne où la circulation est autorisée à 320km/h

Coup de chance !

L’heure de passage du train a été déterminante quant aux conséquences qu’auraient pu avoir l’accident. Le flux de circulation, de sens pair (vers Paris) étant à cette période de la journée plus importante que le flux impair, aucune circulation ne s’est retrouvée en face du train 2350 au moment de son déraillement. De plus, la présence de nombreux ouvrages d’art sur la lignes aurait pu accentuer les dégâts, notamment la présence d’un pont à seulement quelques mètres avant la zone d’impact, deux grands viaducs aux PK 387 et 386 (soit seulement 2 kilomètres en aval du point d’arrêt), mais surtout le tunnel de Saverne dont l’extrémité est se situe – un peu plus loin – au PK 376.684.

À ce jour, et bien que les circonstances sembles clairement identifiées, les enquêtes menées en interne par les services SNCF, par les services judiciaires et par le BEA-TT (se rendant sur place ce vendredi matin) détermineront les causes exactes de l’accident.

L’organisation des cheminots présents dans le train, la cohésion à bord de la rame accidentée, la mobilisation de plus de 100 gendarmes et autant de personnels de secours, l’aide apportée par la commune voisine et par le département, témoignent de la gravité de cet accident. Enfin, la présence, en fin d’après-midi, du PDG de la SNCF et de SNCF Réseau ont appuyé leur volonté de faire connaître les circonstances exactes de l’accident survenu en Alsace, alors que le déraillement d’Eckwersheim est encore, dans cette région, dans toutes les mémoires.

  • Informations : SNCF et Préfecture du Bas-Rhin.
  • Illustrations : DNA, Pompiers, Reuters, SNCF et ITBR67