Le kilomètre de trop …

Focus sur la ligne

Après un très médiatique record du monde de vitesse à 574.8km/h, la rame TGV POS 4402, modifiée et pélicullée pour l’occasion, entre dans l’histoire ferroviaire le 3 avril 2007 (comme l’ont fait les rames 325 et 16 à leur époque). De quoi faire parler de la ligne !

L’inauguration de la ligne à grande vitesse Est-Européenne, pour ce qui concerne sa première phase, a lieu en juin de la meme année, permettant la réduction du temps de trajet et l’arrivée du TGV sur les lignes de l’est de la France. Adieu les vaillants trains Corail et autres Téoz, les derniers survivants des TEE disparaissent également et, après quelques circulations pour habituer les voyageurs à la réservation obligatoire des places assises, le roi TGV bascule de ligne classique sur la ligne à grande vitesse. 

Cette première phase, longue de 300 kilomètres, reliant Vaires-sur-Marne (à 22 kilomètres de Paris-Est) à Baudrecourt, où les trains retrouvent la ligne classique et la circulation à droite (spécificité du réseau ex-Alsace Lorraine), verra bientôt sa prolongation jusqu’aux portes de la capitale alsacienne.
Les essais sur la seconde phase, de 106 kilomètres de long, entre Baudrecourt et Vendenheim (à 10 kilomètres de Strasbourg), débutent en septembre 2015, en vue d’une ouverture commerciale sept mois plus tard afin de rallier Paris à Strasbourg en 1h50 environ (meilleure performance établie à 1h46), contre 2h20 avec la seule première phase.

Carte modifiée – Source : SNCF Réseau

Les essais

Les dernières marches d’essais, réalisées en survitesse de 10% par rapport à la vitesse autorisée sur la ligne, sont prévues jusqu’en novembre 2015. La validation en marche, à une vitesse allant jusque 352 km/h sur ligne à grande vitesse et 176 km/h sur les raccordements vont bon train et l’avant dernière marche d’essai s’élance sur la ligne le 14 novembre.

Il est quinze heure, alors tout juste passé de quelques secondes. La rame d’essais numéro 744 circule sur la voie 2, à contre sens, en direction de Strasbourg et s’apprête à valider les dernières données nécessaires à l’homologation de la ligne en franchissant à 265 km/h l’une des dernières courbes, désignée comme sensible avec ses 945 mètres de rayon.

L’accident

Alors que le freinage n’a pas été assez conséquent, et à cause de la force centrifuge, la rame quitte le rail à une vitesse de 243 km/h. La motrice de tête bascule légèrement sur la gauche (les roues de droite ne touchant plus le rail) avant de se coucher et d’entraîner le reste de la rame puis l’inévitable sortie de la voie. Lors de son décollage du rail, la motrice vient sensiblement heurter le parapet du pont enjambant le canal de la Marne au Rhin, créant une fuite hydraulique importante sur les éléments moteurs (dont une partie restera immobilisée sur le pont) et un début d’incendie. La rame se disloque lors de son envol avant de s’éparpiller jusque dans le canal où se trouvera la motrice de queue, à moitié échouée sur la berge.

La circulation disparaît alors des tableaux de contrôle du poste d’aiguillage de Strasbourg, puis survient un grand moment de silence et d’inquiétude avant les premiers appels des riverains et secours, annonçant alors la catastrophe ferroviaire d’Eckwersheim

Les secours arrivent très vite sur place, puis dans la soirée se pressent sur le terrain le président de la SNCF, le président de SNCF Réseau, la ministre de l’écologie, le secrétaire d’état aux transports et le maire de Strasbourg, afin de constater les dégâts et apporter leur soutien aux victimes et leurs familles. Trois enquêtes sont diligentées : une première qui sera effectuée en interne, une seconde dirigée par le BEA-TT, et la dernière par la justice française. L’hypothèse d’un attentat, faisant suite aux macabres événements de la veille survenus dans la capitale est très rapidement écartée. La théorie évoquant une vitesse excessive est avancée et sera confirmée par les différents enquêteurs. Une cellule psychologique sera ouverte au sein même de la SNCF et un parc du souvenir sera aménagé à l’endroit même de l’accident. Il sera composé de onze stèles, rappelant les onze victimes de l’accident.

Source : France Bleu

La rame est rapidement évacuée et, tout comme l’ensemble de la plateforme, elle se trouvera placée sous scellé judiciaire pour les besoins des enquêtes. Les essais pourront reprendre fin février 2016 en vue d’une ouverture de la voie 1 le 3 juillet 2016, mais les conditions des essais sont alors modifiés et ces derniers sont drastiquement contrôlés. À cette date, après une adaptation des horaires initialement prévus, les trains pairs et impairs circuleront en alternance sur la voie 1 entre les PK 379 et la sortie de la ligne (PK 406) avant l’ouverture de la voie 2 après réparations, le 11 décembre 2016.

rapport d’enquête

En ce triste anniversaire, quatre ans après l’accident, les dirigeants de l’entreprise se sont rendus sur les lieux pour rendre hommage aux collègues et à leurs proches disparus dans cette tragédie. La grande vitesse ferroviaire, empreinte à tout jamais de cet accident mortel sur le TGV, restera entachée par ce drame. Elle saura egalement prendre acte de la nécessité de réaliser ces essais en toute sécurité. Depuis la catastrophe, les essais d’homologation des lignes à grande vitesse qui ont suivi (Sud-Europe-Atlantique et Bretagne-Pays-de-la-Loire), sont réalisés avec activation des systèmes de sécurité embarqués dont le contrôle permanent de la vitesse. La méthodologie des essais a également été modifiée et ces derniers ne sont plus réalisés à une vitesse supérieure à celle qui sera exploitée commercialement sur la ligne.

Il a été rapporté par le BEA-TT que l’action trop tardive sur le mécanisme de frein de la rame, de l’ordre de 12 secondes, soit un kilomètre et demi, a engendré une vitesse trop élevée a entraîné le déraillement. De plus, si ce dernier avait pu être réalisé à temps, la vitesse aurait été réduite de 20 km/h supplémentaires à l’endroit où la motrice de tête a quitté le rail. Le déraillement aurait pu, selon les règles de la physique, être évité.

En souvenir des collègues ayant oeuvré sur le projet TGV-Est, dont le directeur du projet, à bord de la rame 744, disparu le jour de l’accident. Pour ne jamais oublier.